janvier 1997
Les accords de paix mettraient fin à la guerre civile.
Pour la première fois depuis la conquête du pays par Pedro de Alvarado, en 1524, les descendants des bâtisseurs mayas, qui forment 60 pc des 10,5 millions d'habitants, se voient reconnaître leurs 23 langues - désormais officielles au même titre que l'espagnol - ainsi que leurs pratiques religieuses et dans une certaine mesure la propriété de leurs terres.Catchikels, quichés, mams, cuchumatanes et autres ethnies forment l'immense majorité des 80 pc des 10,5 millions d'habitants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ou des 45 pc d'analphabètes officiels, et ont été les principales victimes d'un conflit long de 36 ans qui a fait plus de 100.000 morts et 40.000 disparus.
Ils devraient être également les premiers concernés par les mesures de développement rural, d'amélioration de l'accès à l'éducation et à la santé ou de réparation aux victimes de la guerre et des violations des droits de l'homme que le gouvernement s'est engagé à mettre en place dans les accords, véritable programme de gouvernement.
Le Président Arzu s'est également débarrassé de la tutelle de l'armée, en remettant "chaque singe sur sa balançoire" comme il l'avait promis lors de sa campagne électorale.
"La défense de la sécurité nationale et de l'intégrité territoriale" sera désormais la seule fonction des militaires après des décennies de pouvoir dans un pays défini dorénavant comme "multiethnique, pluriculturel et multilingue".
Conscient des fractures abyssales d'une nation dont 80 pc des habitants vivent dans la misère, et ayant compris "qu'on ne construit pas un pays avec des analphabètes affamés", M. Arzu a pris les risques qu'il fallait pour procéder à une réforme en profondeur et a acquis "une stature d'homme d'Etat", ont estimé plusieurs sources diplomatiques.
Arzu a par ailleurs rejeté les critiques des organisations de défense des droits de l'homme qui estiment que la loi sur la réconciliation nationale, qui fait partie des accords, cache une "amnistie générale déguisée" qui octroierait le pardon aux militaires responsables de crimes de droit commun.
"Il est clair que l'amnistie n'inclut pas les délits de droit commun", a répliqué le président en assumant la responsabilité "totale et absolue" des accords signés.
"La paix a un coût et, quoiqu'il en soit, que l'histoire me juge, m'approuve ou me condamne", a-t-il lancé. (Source l'AFP du 28/12/1996)
Ces dernières informations ne doivent pas nous faire oublier que des décrets d'amnistie antérieurs ( en 1983, 1985 et 1986) n'ont eu aucun effet sur la réconciliation nationale et n'ont pas entraîné une diminution du nombre des violations des droits de l'homme.
Quoiqu'il en soit, notre vigilance doit demeurer. Ceci ne nous empêche pas de féliciter le Président Arzu pour ces accords de paix, tout en nous disant préoccupé par l'éventualité d'une loi d'amnistie ou de toute autre mesure de même nature qui pourrait assurer l'impunité à ceux qui ont commis des violations des droits de l'Homme.
Le nombre des exécutions extrajudiciaires a fortement augmenté au cours de l'année 1995. Parmi les victimes figuraient des défenseurs des droits de l'homme, des militants indigènes, des opposants présumés, des réfugiés de retour au pays, des étudiants, des universitaires, des syndicalistes et des journalistes. Plusieurs personnes sont mortes après que des membres des forces de sécurité et des " patrouilles civiles " - ces milices dans lesquelles les paysans guatémaltèques, en grande partie indigènes, sont enrôlés de force - eurent fait, semble-t-il, un usage excessif de la violence. Une trentaine de " disparitions ", au moins, ont été signalées, ainsi que des actes de torture, notamment des viols. Les manoeuvres de harcèlement et d'intimidation, allant parfois jusqu'aux menaces de mort, sont une pratique courante dans le pays.
L'élection, en janvier dernier, de M. Alvaro Arzu, démocrate chrétien, à la présidence du Guatemala permet une note d'espoir. Cinquante-trois officiers ont été retirés du service actif, le Vice-président de la République reconnaissant que "les récents changements au sein de l'armée correspondent à une épuration et à un combat contre l'impunité".
Cette résolution peut nous donner de l'espoir, mais ne nous empêche pas de rester vigilant quant à l'atteinte des droits de l'homme.
Le Guatemala traverse actuellement une période d'espoir mêlé
d'inquiétude. Espoir, d'un côté, parce que le gouvernement et la coalition de groupes
armés d'opposition Unidad Revolucionaria Nacional Guatemalteca ( URNG, Union
révolutionnaire nationale guatémaltèque), ont signé le 29 décembre 1996 un traité de
paix définitif qui met un terme à la plus ancienne guerre civile d'Amérique centrale.Si
les six accords que comporte ce traité sont pleinement mis en oeuvre, ils peuvent
améliorer considérablement la situation des droits fondamentaux dans le pays.
D'un autre côté, une certaine inquiétude demeure, car, de graves violations -homicides,
"disparitions", actes de tortures - continuent d'être signalées. Nombre de
Guatémaltèques vivent donc dans un climat de terreur, comme depuis trente ans, risquant
souvent la mort simplement à cause de ce qu'ils sont ou de ce qu'ils font .
Avec la fin du conflit armé disparaît l'excuse utilisée par tous les gouvernements qui
se sont succédé au Guatémala pour tenter de justifier l'injustifiable : les atteintes
aux droits de l'homme qui ont ravagé le pays pendant tant années. Cependant, pour que
ces violations cessent véritablement, il faut plus qu'une signature en bas d'un accord de
paix. Le gouvernement doit s'engager sans réserve à défendre les droits fondamentaux et
à traduire en justice toute personne qui les bafoue. En un mot, il faut qu'un terme soit
mis à l'impunité.
L'impunité qui règne au Guatémala découle de l'absence apparente de volonté politique d'enquêter sur les violations dénoncés. En effet, les autorités s'abstiennent d'ouvrir des enquêtes pour quelque raison que ce soit, ou bien les conduisent avec négligence, sans chercher à appliquer la procédure légale. Les autorités se montrent également incapables de fournir les compétences et les moyens qui permettraient de garantir des investigations impartiales et exhaustives. Enfin, certains agents de l'Etat se font complices des auteurs de violations, ou tout du moins approuvent leurs actes, en entravant délibérément les enquêtes - par exemple en manipulant les preuves - ou en ayant recours à des menaces ou autres manoeuvres d'intimidation contre toutes les personnes intervenant dans la procédure judiciaire
En mai 1997, Amnesty International a publié un rapport intitulé Guatémala, Mettre fin à l'impunité. Amnesty analyse en profondeur la situation des droits fondamentaux dans le pays et propose un programme en 35 points pour mettre fin à l'impunité et aux violations des droits de l'homme au Guatémala. Par la dénonciation des violations, mais surtout par la formulation de recommandations concrètes, l'Organisation cherche à rompre le cercle vicieux de l'impunité. Pendant des décennies, celle-ci a laissé les victimes sans défense et permis aux forces de sécurité, qui ont interprété l'impunité comme une approbation implicite ou explicite de leurs actes, de continuer à bafouer les droits fondamentaux du peuple guatémaltèque.
En juillet 1994, des membres de l'équipe argentine d'anthropologie médico-légale ont exhumé les corps de 10 personnes trouvés dans un puits situé dans l'ancien village de Dos Erres (commune de La Libertad), dans le département de Petén. En 1995, ils avaient exhumés les restes d'au moins 162 personnes, hommes, femmes et enfants tous apparemment victimes d'un massacre perpétré par l'armée en décembre 1982.
Le secteur des maquilas (usines d'assemblage de produits destinés à l'exportation; au Guatemala, il en existe 198, qui emploient plus de 40 500 ouvriers) a connu ces derniers temps les violations des droits de l'homme les plus graves qu'aient eu à subir des ouvriers et des syndicalistes. La croissance du secteur des maquilas s'appuie en partie sur une attrayante possibilité d'investissement au Guatemala et repose sur une main d 'oeuvre peu coûteuse et sur de mauvaises conditions de travail. Les ouvriers, en majorité des femmes, doivent travailler de nombreuses heures et sont enfermés sur leur lieu de travail jusqu'à ce qu'ils aient produits la quantité de travail exigée journellement. Les salaires sont nettement inférieurs au salaire minimum.
On assiste à un regain de violence à l'encontre des ouvriers et des syndicalistes demandant la reconnaissance de leur syndicat et l'amélioration de leur conditions de travail. Certains ont été enlevés, violés, roués de coups, menacés de mort et même tués. Il semble, dans bien des cas, que cette vague récente de répression soit l'oeuvre d'hommes de main payés par des employeurs et des propriétaires d'usines qui espèrent ainsi réduire à néant toutes tentatives visant à constituer des syndicats ou à faire valoir les revendications légitimes des travailleurs.
Amnesty International estime que le type de violations commises actuellement contre les syndicalistes présentes d'évidentes similitudes avec celles pratiquées dans le passé, et dont la responsabilité avait été attribuée aux membres des forces de sécurité.
Le 7 juillet 1995, on a retrouvé dans une tombe anonyme le corps d'un pasteur protestant, Manuel Saquic Vasquez. Le religieux avait été égorgé et son corps présentait 33 blessures, résultats de coups de couteau. Manuel Saquic, qui était également coordinateur d'un Comité des droits de l'homme (Comité de Derechos Humanos) maya kaqchikel à Panabajal, dans le département de de Chimaltenango, avait "disparu" à la suite de son enlèvement, le 23 juin précédent. Des habitants de Panabajal ont déclaré que c'était l'auxiliaire militaire local qui, en compagnie de ses deux fils, tous deux agents de sécurité dans l'armée, avaient tué le pasteur Saquic. A titre de représailles pour son action en faveur des droits de l'homme et aussi parce qu'il avait été l'unique témoin de l'enlèvement - de courte durée- d'un autre membre du Comité des droits de l'homme à Panabajal. Les autorités ont été abondamment critiquées pour avoir dissimulé les informations relatives au corps du défunt et pour avoir refusé de coopérer avec l'église presbytérienne et avec la MINUGUA (Mission des Nations Unies pour le Guatemala).
Dans les mois qui ont suivi, trois membres du clergé, dont le secrétaire général de la Conférence des Eglises protestantes, ont reçu des menaces de mort, dans lesquelles on leur conseillait de cesser leurs recherches concernant la mort de Manuel Saquic. Ces menaces étaient signées par un groupe se présentant sous le nom de "Jaguar justicier". Des membres de la famille de Manuel Saquic et certains de ses collègues auraient, eux aussi, reçu des menaces de mort. A la connaissance d'Amnesty International, les enquêtes sur le décès de Manuel Saquic sont au point mort.
Le 5 octobre 1995, des soldats ont ouvert le feu sur des réfugiés et des personnes déplacées que l'on avaient réinstallées au village de Xaman (ville de Chisec), dans le département d'Alta Verapaz. Onze personnes ont été tuées et environ 17 autres ont été blessées.
Les villageois considéraient que la présence de l'armée dans leur communauté constituait une infraction aux accords conclus sous l'égide des Nations unies, qui garantissaient la sécurité des réfugiés et des personnes déplacées revenues au pays. Une bagarre a éclaté après que les villageois eurent déclaré qu'ils allaient signaler l'affaire à la MINUGUA. L'officier commandant le groupe a alors donné aux soldats d'ouvrir le feu. Parmi les personnes tuées se trouvait un garçon de huit ans, qui auraient été abattu, alors que les soldats battaient en retraite. Au départ, les responsables officiels ont niés toute participation par l'armée, pour finalement déclarer que la patrouille avait été attaquée, après être entré dans Xaman à l'invitation des habitants du village. L'événement a entraîné la démission du général Mario Enriquez, ministre de la Défense, et le président de Léon a annoncé la création d'une commission d'enquête de haut niveau. L'ensemble des membres de la patrouille aurait été arrêté, et l'affaire porté devant un tribunal militaire.
Fin janvier 1996, la cinquième chambre de la Cour d'appel de Jalapa a créé un précédent en décidant de renvoyer l'affaire devant une juridiction civile. Le procureur général Ramses Cuestas a qualifié la décision de la Cour d'appel d'" historique pour la jurisprudence guatémaltèque" déclarant que "les critères selon lesquels les membres des forces armées doivent être jugés par des militaires ne tiennent pas lorsque les militaires en cause commettent des délits à l'encontre des civils. Dans ce cas, les accusés doivent être jugés par des tribunaux ordinaires".
Efrain Bamaca, un des commandants de la guérilla, a "disparu" après avoir été blessé en luttant contre l'armée guatémaltèque en 1992. Sa femme, Jennifer Harbury (citoyenne américaine) prétend qu'il est mort au combat, mais, au mois de mars 1995, Robert Torricelli, membre du Congrès des Etats-Unis, a rendu publiques des informations selon lesquelles Efrain Bamaca avait été en réalité emmené en détention par l'armée, torturé, puis exécuté de manière extrajudiciaire. Les autorités américaines avaient eu connaissance de ces faits bien avant d'en informer Jennifer Harbury. Les informations de M. Torriceli dévoilaient également qu'Efrain Bamaca, avait été tué par des troupes opérant sous le commandement d'un colonel guatémaltèque qui, à l'époque du décès de Bamaca, était à la solde de la Central Intelligence Agency (CIA). Sur ordre du président Bill Clinton, une enquête a été ouverte, et s'est soldée par des mesures disciplinaires à l'encontre de plusieurs employés de la CIA, dont deux ont été renvoyés.
Au Guatemala, les personnes nommément mises en cause dans ces affaires n'ont été ni arrêtées, ni inculpées. Un ancien soldat disposant d'information sur ce cas et Eduardo Arango Escobar, représentant du ministère public chargé de l'enquête, ont été victimes de tentatives d'intimidations et ont reçu des menaces de mort. Arango s'est dessaisi du dossier après que des coup de feu ont été tirés contre son bureau en juin. Le soldat a pour sa part quitté le Guatemala. Le 5 janvier 1996, une bombe a détruit partiellement la voiture de l'avocat de Mme Harbury à Washington. Le lendemain, des coups de feu étaient tirés contre le domicile de cette dernière dans cette même ville.
Au moment de son entrée en fonction, en janvier 1996, le président Alvaro Arzu Irigoyen a déclaré que l'Etat lutterait contre l'impunité, afin de respecter ses obligations en matière des droits de l'homme
Président
S.E. Alvaro Arzu Irigoyen
Presidente de la Republica de Guatemala
Palacio Nacional
Guatemala, GUATEMALA
Ministre de l'Intérieur
Lic. Rodolfo Mendoza
Ministro de Gobernacio
Ministerio de Gobernacio
Despacho Ministerial, Of N°8
Palacio Nacional
Guatemala, GUATEMALA
Copies de vos lettres à envoyer à :
Procureur général
Lic. Hector Hugo Pérez Aguilera
Fiscal General de la Nacion
Ministerio Publico
18 calle 10-36, Zona 1
Guatemala, GUATEMALA
Journal
Prensa libre
13 Calle 9-31, Zona 1
Ciudad de Guatemala, GUATEMALA