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puce.gif (926 octets)Appel au Premier Ministre pour une éthique de précaution (proposition pour les étrangers non-régularisés par la circulaire du Ministère de l'intérieur du 24 juin 1997)

puce.gif (926 octets)L’asile en France après l’entrée en vigueur de la loi du 11 mai 1998

puce.gif (926 octets)Crise de l’asile en France - Action d'Amnesty – Janvier 1999

puce.gif (926 octets)Décision du Conseil d’Etat du 26/1/2000
Requêtes de FTDA, AISF du 29/10/98 et du GISTI du 10/12/98 demandant l’annulation de la circulaire du 25/6/98 relative à l’asile territorial

 

 

Janvier 2000 SF 00 R 01

 

L’asile en France après l’entrée en vigueur de la loi du 11 mai 1998

L’asile dit " constitutionnel "
L’asile territorial
L’extension de la procédure " prioritaire "
La situation des demandeurs admis au séjour


 

Aujourd’hui, le système d’accueil des demandeurs d’asile qui arrivent sur le territoire français est en crise. En 1999, les demandes ont fortement augmenté aux frontières extérieures  et dans une moindre mesure sur le territoire . L’accroissement de ce nombre n’est pourtant pas la seule cause.

La procédure de détermination de la qualité de réfugié s’allonge, dans plus de la moitié des cas les demandeurs continuent de recevoir un rejet sans avoir été entendus en première instance et environ 10 % seulement se voient reconnaître le statut de réfugié. Le grand nombre de rejets nous inquiète d’autant plus aujourd’hui que les préfets ont été incités fin 1999 à augmenter les éloignements de manière "significative ". La loi relative à " l’entrée et au séjour des étrangers en France et à l’asile ", adoptée le 11 mai 1998, s’est révélée globalement décevante, notamment au regard de l’intention affichée par le Parti socialiste dans son projet pré-électoral d’avril 1997, " Pour une nouvelle politique de l’immigration et de l’intégration " . En présentant son projet de loi, le ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, avait affirmé sa volonté de contrebalancer l’application " restrictive " faite en France de la Convention de Genève de 1951 concernant les auteurs de persécutions. Mais l’asile constitutionnel et l’asile territorial institués par la loi n’ont constitué que des palliatifs. Très peu d’étrangers en ont bénéficié depuis l’entrée en vigueur de la loi. En outre, l’extension simultanée de la procédure dite " prioritaire " à une nouvelle catégorie de demandeurs ne s’est pas accompagnée d’une amélioration des procédures d’asile comme l’avait pourtant promis le ministre.

 

Pour toutes les raisons exposées dans ce document, la mise à plat de toute la politique d’asile en France apparaît urgente. En novembre 1998, Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, constatait que certaines difficultés étaient " liées à l’allongement des délais de procédures " et elle indiquait qu’un groupe de travail avait été mis en place pour " améliorer les délais d’instruction des demandes " . En novembre 1999 puis le 26 janvier 2000, en s’adressant successivement aux ministres directement concernés puis au Premier ministre, Amnesty International Section Française a demandé que le gouvernement associe sans tarder à ces travaux le HCR, les experts et associations concernés afin de mener ensemble une évaluation rigoureuse et de discuter des améliorations à envisager.

L’asile dit " constitutionnel "

La loi du 11 mai 1998 n’a pas fondamentalement changé le traitement des demandes de reconnaissance du statut de réfugié. Le nombre de statuts accordés chaque année reste sensiblement le même pour les premières demandes : environ 5 % de reconnaissance par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et 5 à 7 % par la Commission des recours. Avant la loi du 11 mai 1998, les persécutions n’émanant pas des autorités publiques ou officielles du pays d’origine n’étaient admises, pour la reconnaissance du statut, que dans quelques cas limités : les situations où " les autorités publiques ont volontairement toléré ou encouragé les agissements ", puis, plus récemment, les cas où toute demande de protection à ces autorités aurait été vaine. Désormais, à l’application de la Convention de Genève, s’ajoute la référence au préambule de la Constitution qui permet de reconnaître la qualité de réfugié à toute personne " persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ". Cet " asile constitutionnel " est censé protéger les " combattants de la liberté " mais, pour la première année de son application, la Commission des recours n’aura attribué le statut de réfugié en l’invoquant qu’une seule fois. D’ailleurs, comme le reconnaît Jean-François Terral, alors directeur de l’OFPRA, " la grande majorité des combattants de la liberté sont également éligibles à la Convention de Genève ". Nous avions craint, apparemment à juste raison, le côté symbolique de cet ajout en raison des déclarations gouvernementales pendant les débats au Parlement. Le ministre de l’intérieur avait en effet estimé que, " les combattants de la liberté sont par définition en petit nombre […]. Il s’agira d’un flux minime ". Quant à Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, il annonçait déjà que " la pratique suivie devra maintenir un juste équilibre avec la préoccupation de maîtrise des flux migratoires ".

L’asile territorial

De même, si aujourd’hui un " véritable " asile territorial existe bien dans la loi, il restera de peu d’efficacité tant qu’il sera accordé au compte-gouttes. Les premières indications confirment en effet les craintes d’une application restrictive de ce dispositif. En décembre 1999, le ministère de l’Intérieur a fourni au Parlement quelques chiffres officiels : en 1998, 1339 demandes, 224 dossiers traités, 8 décisions favorables, soit un taux d’accord de 3,6%. En 1999, sur 5 mois, progression des demandes de 116%, environ 9% de décisions favorables. En 1998, les Algériens étaient les plus nombreux des demandeurs (982, 73% du total) et des bénéficiaires (6 pour 108 rejets, taux d’accord de 5,5%).

Les Algériens sont ainsi moins nombreux à être protégés que sous les dispositifs discrétionnaires précédents. En effet, entre 1994 et 1998, 3 000 à 4 000 Algériens menacés " du fait des activités des groupes islamistes " se sont vu remettre un titre de séjour en application du télégramme du 22 décembre 1993. En France, l’asile " territorial " a ainsi longtemps résulté de textes du ministère de l’Intérieur généralement non publiés (circulaires, télégrammes, instructions) afin de ne pas créer d’" effet d’appel ". Pour supprimer le caractère " totalement arbitraire et discrétionnaire " de ces dispositions dénoncé par le projet socialiste d’avril 1997, le gouvernement a agi en deux temps.

 

Dans un premier temps, il a voulu régler par circulaire les " situations inextricables " de certains étrangers se retrouvant " sans papiers " du fait des législations antérieures  et, parmi eux, de ceux qui couraient des " risques vitaux " en cas de retour dans leur pays. Sur 6 300 demandes fondées sur ce seul critère examinées au ministère de l’Intérieur, environ 6 % seulement ont été acceptées, permettant l’accès au séjour d’environ 400 personnes . En janvier 1999, quatre associations  ont alerté le Premier ministre, Lionel Jospin, sur le trop grand nombre de rejets au titre de ce critère en affirmant, dossiers à l’appui, que certains des recalés seraient en danger en cas de renvoi dans leur pays. Les contacts avec le cabinet du ministre de l’Intérieur ont permis d’apprendre que la situation des personnes déboutées de leur demande d’asile n’avait pas été réexaminée sauf si elles avaient fait valoir un élément nouveau ou une persécution non étatique. Pour sa part, le Premier ministre n’a pas répondu malgré les relances.

Dans un deuxième temps, la loi du 11 mai 1998 a donné au ministre de l’Intérieur le pouvoir d’accorder l’asile territorial à l’étranger dont " la vie ou la liberté est menacée dans son pays " ou qui y est " exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme " . Malheureusement, dès l’adoption du texte, le ministre a donné le ton en précisant qu’il s’agirait d’une " mesure humanitaire d’urgence […], d’application restreinte […], largement discrétionnaire […], pour des cas exceptionnels […], de portée limitée " .

La procédure n’est effectivement pas très attractive. Tout d’abord, pendant la période d’examen qui peut durer de nombreux mois, le demandeur ne bénéficie d’aucune possibilité d’hébergement ni d’aide sociale. Ensuite, l’amendement adopté à la demande du ministre selon lequel l’asile ne sera accordé que " dans des conditions compatibles avec les intérêts du pays " fait craindre des décisions prises pour des raisons autres que la seule nécessité d’apporter une protection à une personne. Cette crainte n’est pas infondée si l’on sait que Jean-Pierre Chevènement a une vision très étendue de ces intérêts qu’il a en effet définis comme " politiques, diplomatiques, économiques, culturels, stratégiques ". En outre, l’absence de motivation des décisions de rejet et le caractère non suspensif des recours limitent de fait la possibilité de faire réviser une décision erronée ou mal fondée.

La situation des étrangers dont la demande de statut de réfugié a été préalablement rejetée est particulière. La loi du 11 mai 1998 donne en effet le pouvoir à l’OFPRA et à la Commission des recours de se prononcer sur l’opportunité d’accorder l’asile territorial lorsqu’ils estiment qu’un dossier ne relève pas du statut de réfugié. En 1998, après l’entrée en vigueur de la loi, trente dossiers ont ainsi été recommandés par l’Office au ministre de l’Intérieur. Toutefois, ce dernier n’est pas lié par cette saisine et peut rejeter la demande d’une personne alors même que ses craintes de persécution en cas de retour ont été jugées fondées. En outre, des personnes éligibles à la protection du statut de réfugié sont parfois orientées abusivement vers la procédure d’asile territorial dont les droits sont bien moindres. Enfin, le ministère risque de réserver un examen moins attentif aux dossiers qui ne lui auront pas été signalés. Le décret du 23 juin 1998 prévoit en effet une procédure d’urgence, notamment pour ces situations ; le demandeur peut alors être interpellé et placé en rétention pendant l’examen " en urgence " de son dossier.

 

La loi n’est déjà pas favorable aux demandeurs ; la circulaire du 25 juin 98 est venue encore réduire leurs chances. Au point que France Terre d’Asile, Amnesty International et le GISTI ont intenté un recours en Conseil d’État pour en demander l’annulation. Par un arrêt du 26 janvier, le Conseil d’État a jugé les associations fondées à demander l’annulation de cinq dispositions de la circulaire et en particulier la restriction de l’attribution de l’asile territorial aux seuls cas où " les menaces ou les risques émanent de personnes ou de groupes distincts des autorités publiques de ce pays ". Cette restriction a néanmoins permis au ministre de l’Intérieur d’exclure pendant dix huit mois les ressortissants de pays comme l’Afghanistan, la République Démocratique du Congo, le Sri Lanka, la Turquie… s’ils invoquaient des menaces des autorités de leur pays. Combien le ministre a-t-il rejeté de demandes, depuis l’entrée en vigueur de la loi, du seul fait de cette disposition aujourd’hui censurée ? Que va-t-il décider pour ces personnes rejetées à tort ?

 

L’extension de la procédure " prioritaire "

La loi du 11 mai 1998 a par ailleurs augmenté les cas de recours à la procédure " prioritaire " qui réduit les droits des demandeurs. Depuis 1993, cette procédure permet au préfet de refuser l’admission au séjour d’un demandeur en cas de menace grave pour l’ordre public, de fraude délibérée, de recours abusif ou de demande présentée uniquement en vue de faire échec à une mesure d’éloignement . La nouvelle catégorie concerne les ressortissants originaires des pays pour lesquels la " clause de cessation " de la Convention de Genève a été appliquée c'est-à-dire les pays dans lesquels les circonstances qui ont poussé des personnes à fuir ont cessé d'exister. Cette décision est regrettable car les personnes concernées ne bénéficient pas de toutes les garanties de procédure : manque de temps pour en comprendre les subtilités et rassembler les documents nécessaires, examen des dossiers par l’OFPRA souvent trop rapide, sans entretien avec les intéressés, recours contre la décision de rejet perdant son caractère suspensif.

Le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale avait regretté " l’approche collective " de cette nouvelle mesure et souligné que " cette rédaction subordonne l’exercice de garanties à l’appartenance à une nationalité ". Or, le nombre de demandes traitées selon cette procédure s’est encore accru : 516 en 1994, 620 en 1995, 581 en 1996, 1 080 en 1997, 2200 en 1998 et 1999. En 1998, comme le ministre le recherchait, cette dernière augmentation concernait principalement les Roumains touchés par la modification apportée par la loi du 11 mai 1998.

 

La situation des demandeurs admis au séjour

Le ministre de l’Intérieur avait annoncé que l’extension de la procédure prioritaire s’accompagnerait d’une amélioration des procédures d’asile et, notamment, de l’assurance d’un " entretien individualisé à l’OFPRA pour chaque demandeur " . Nous sommes loin des promesses. La durée de traitement des dossiers augmente et les moyens humains et financiers diminuent. En 1998, l’Office a en effet connu une forte érosion en personnel (dix départs) qui ne devait être rattrapée que fin 1999 et aucun accroissement n’était prévu au budget de l’année 2000. Après l’augmentation des demandes d’asile constatée en 1999, l’OFPRA a dû " restocker " 6000 nouveaux dossiers. Ces restrictions ont des conséquences multiples.

 

Tout d’abord, les demandeurs sont de moins en moins nombreux à être convoqués pour expliquer personnellement et en détail les raisons qui les ont poussés à fuir : 55% en 1994, 45% en 1997, 40% en 1998, 37% en 1999. L’OFPRA se contente alors de l’examen du formulaire souvent rempli alors que le demandeur, par manque de conseils, n’a pas su présenter correctement sa demande. Or, il est reconnu que seul le contact direct permet d’apprécier l’importance des menaces et des persécutions vécues par une personne. L’audition systématique avait d’ailleurs été recommandée par une mission d’audit de l’OFPRA.

Par ailleurs, les demandeurs qui sont hébergés dans des foyers  pendant la durée de leur procédure y demeurent plus longtemps. Depuis 1997, environ six cents places nouvelles ont bien été créées mais cela ne suffit pas à couvrir la demande. Près de deux mille demandeurs sont dans l’attente d’une place hypothétique et il ne semble pas prévu d’accroître la capacité de manière conséquente. Une récente circulaire rappelle que " l’accueil des demandeurs d’asile constitue une obligation découlant de la Convention de Genève " mais préfère recommander aux préfets de mettre en place localement " des solutions innovantes " . Enfin, l’allocation mensuelle versée aux demandeurs ne bénéficiant pas de cet hébergement a certes été portée de 1 300 à 1 700 francs en 1998 mais la durée de ce versement est toujours limitée à une année. Plus la procédure traîne, plus est important le nombre des demandeurs qui se retrouvent complètement démunis.

 

Crise de l’asile en France
Action d'Amnesty – Janvier 1999


- Objectif de cette action
Résumé de nos préoccupations
Eléments pour bâtir un courrier  accompagnant le document R01
Quelques exemples de demandes d’asile territorial

 

Il est proposé de diffuser autour de vous le document SF00R01 daté de janvier 2000 et intitulé " L’asile en France après l’entrée en vigueur de la loi du 11 mai 1998 " et de l’adresser en particulier aux associations, aux parlementaires et à des journalistes.  Des éléments nécessaires à la rédaction de ces textes sont fournis ci-dessous.

 

1- Objectif de cette action

Amnesty International Section Française demande au gouvernement de mener sans tarder une évaluation rigoureuse de la situation de l'asile en France et de discuter des améliorations à envisager avec le HCR, les experts et associations concernés.

En novembre 1999, une note a été adressée en ce sens aux 3 ministères directement concernés et à l'OFPRA. Elle a été publiée dans la revue Plein droit du GISTI du mois de décembre. A ce jour, nous n’avons reçu aucune réaction des pouvoirs publics. Le document joint a alors été adressé au Premier ministre le 26 janvier avec la même requête.

La note de novembre débutait ainsi "aujourd'hui le système d'accueil des demandeurs d'asile est en crise". La crise semble être aggravée par l’augmentation importante, entre 1998 et 1999, du nombre de demandes d’asile déposées aux frontières (2500 à 4000, +60%) et à l'OFPRA (22 375 à 30 800 selon les chiffres provisoires, +35%). L'administration semble réaliser cette augmentation tardivement. Dans la même note, nous écrivions par exemple que "la forte érosion en personnel connue par l’OFPRA en 1998 ne sera rattrapée que fin 1999 et aucun accroissement n’est prévu au budget de l’année 2000".

Il est probable que le gouvernement examine actuellement la situation et envisage divers types de mesures. Sans doute pas uniquement budgétaires. Le risque n’est pas exclu que des mesures restrictives soient décidées afin d'enrayer cette augmentation. A titre d'exemple, lors de la dernière réunion au ministère de l'Intérieur sur le fonctionnement des zones d’attente (cf. Info Réfugiés 02/12/99), il nous a été clairement dit que les contrôles "passerelle", à la sortie de certains avions, allaient se développer. Les associations concernées craignent que les étrangers contrôlés à la sortie immédiate d’un vol ne bénéficient pas de tous les droits prévus par les textes, en particulier d’un accès libre à la procédure d’asile.

Aujourd’hui, AISF tient à faire largement connaître les préoccupations adressées aux ministères il y a plus de trois mois puis au Premier ministre le 26 janvier. Cette action peut être complétée par l’ajout de préoccupations ou de recommandations locales spécifiques. Dans les mois ou les semaines qui viennent, il n’est pas exclu que les associations concernées par l’asile en France envisagent de nouvelles actions en commun.

 

2- Résumé de nos préoccupations

Pour les premières demandes d’asile, le nombre de statuts accordés reste sensiblement le même chaque année : environ 5 % de reconnaissance par l’OFPRA et 5 à 7 % par la Commission des recours.

A l’OFPRA, la durée de traitement des dossiers augmente mais pas les moyens humains et financiers. En 1998, l’Office a connu une forte érosion en personnel qui n’a été rattrapée que fin 1999 et aucun accroissement n’est prévu au budget de l’année 2000. Conséquences : les demandeurs d’asile sont de moins en moins nombreux à être convoqués à l’OFPRA (55% en 1994, 37% en 1999), près de deux mille demandeurs sont à la porte des foyers, l’interruption au bout d’une année du versement de l’allocation mensuelle touche davantage des demandeurs non hébergés en foyer.

Application de la loi du 11 mai 1998

3- Eléments pour bâtir un courrier   accompagnant le document R01

Aujourd’hui, la situation de l'asile en France est en crise et AISF a demandé au Premier ministre que le gouvernement mène sans tarder une évaluation rigoureuse de cette situation et discute des améliorations à envisager avec le HCR, les experts et associations concernés.

En novembre 1999, le président d’AISF avait adressé une demande équivalente aux ministères directement concernés et avait attiré leur attention sur le fait que, déjà à l’époque, les dossiers s'accumulaient à l'OFPRA, que les files d'attente s'allongeaient pour tenter d’obtenir un hébergement en foyer et que le nombre de demandeurs d'asile démunis de toute allocation après une année d'examen de leur demande s'accroissait.

Le nombre de demandes d'asile déposées en France a augmenté de manière importante en 1999 mais les moyens des services concernés semblent ne pas avoir été accrus en conséquence dans le budget adopté pour l'année 2000. Depuis 1994, le pourcentage de demandeurs d’asile ayant la chance de pouvoir expliquer oralement à l’OFPRA les raisons qui les ont poussés à fuir leur pays ne cesse de chuter pour s’effondrer à 37% en 1999, cela malgré les promesses de généralisation de ces convocations.

Les deux mesures prises en 1998 dans la nouvelle loi sur l'asile n'ont bénéficié qu'à très peu de personnes. Pour la première année d'application de la loi, l'asile constitutionnel n'a été invoqué qu'une seule fois par la Commission des recours et le ministre de l'Intérieur n'a attribué l'asile territorial qu'à 8 personnes en 224 décisions.

 

Quelques exemples de demandes d’asile territorial

 

Refus d’asile territorial à un Albanais du Kosovo

Monsieur X arrive en France en 1993. L’OFPRA puis la Commission des recours lui refusent le statut de réfugié que plusieurs personnes de sa famille avaient obtenu. La préfecture du Vaucluse rejette sa demande de régularisation en avril 1998 car il " n’apporte pas de preuve des risques " courus dans son pays et le menace d’une décision de reconduite dans son pays alors que les renvois des Kosovars ont été suspendus en mars par le ministère de l’Intérieur. Le ministère lui refuse pourtant l’asile territorial le 24 mars 1999, au moment précis où les bombardements de l’OTAN débutent ; la préfecture lui notifie le refus le 13 avril 1999 au plus fort de l’exode vers l’Albanie et la Macédoine.

La régularisation de sa situation interviendra par la suite dans le cadre des mesures spécifiques prises pour les Kosovars.

 

Refus d’asile territorial à une Algérienne

Madame Z. arrive en France en 1997. L’OFPRA puis la Commission des recours lui refusent le statut de réfugié en 1998 tout en reconnaissant la réalité de ses craintes. Le président de la Commission saisit le ministre de l’Intérieur de son cas le 24/6/1998 ; elle mentionne en effet des menaces de mort et la disparition ou la mort de plusieurs collègues de travail. Toutefois, le ministre rejette la demande d’asile territorial le 8/9/1998 après un " examen attentif " ainsi que le recours gracieux le 30/9. Le 2/10, la préfecture lui envoie la traditionnelle " invitation à quitter le territoire " selon laquelle, si elle se maintient en France, " une mesure d’éloignement sera normalement mise à exécution à destination [de son] pays ".

Des associations locales se mobilisent, la diffusion dans la presse d’une lettre ouverte au Premier ministre provoque l’intervention d’un élu, un courrier d’Amnesty International est adressé au ministère de l’Intérieur… Finalement, peu de temps après, un titre de séjour d’un an lui sera remis.

 

Orientation vers l’asile territorial d’un Tunisien

Monsieur Y déclare avoir été arrêté, interrogé, soumis à la torture à la suite de l’arrestation de son frère, jugé par un tribunal militaire en 1992 et condamné à 25 ans de prison. En octobre 1998, l’OFPRA l’oriente vers l’asile territorial en l’informant que sa situation ne relève pas de la Convention de Genève. Amnesty International s’adresse à l’OFPRA en faisant remarquer que des observateurs étaient présents au procès de son frère, qu’un nombre croissant de Tunisiens sont persécutés à titre de " punition " pour les activités politiques de leurs proches et que le dossier de Monsieur Y. nous semble relever de la Convention de Genève. Le directeur de l’Office maintient sa position.

La Commission des recours lui reconnaîtra finalement le statut.

  


 

Décision du Conseil d’Etat du 26/1/2000

Requêtes de FTDA, AISF du 29/10/98 et du GISTI du 10/12/98 demandant l’annulation de la circulaire du 25/6/98 relative à l’asile territorial

 

L’asile territorial a été créé par la loi du 11/5/98, ses dispositions ont été précisées par le décret du 23/6/98 puis par la circulaire du 25/6/98 des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères. Cette circulaire venait restreindre l’application de la loi. AISF s’est adressée au ministère de l’Intérieur par un courrier du 4/9/98 et un recours préparé avec France Terre D'Asile a ensuite été déposé au Conseil d’Etat grâce à l’aide du cabinet Waquet.

Le Conseil d’Etat n’avait pas à se prononcer sur le contenu de la loi mais sur la conformité de la circulaire avec la loi et le décret. Les principales préoccupations d’AISF relatives à l’asile territorial subsistent : le demandeur ne bénéficie d’aucune assistance pendant ses démarches (aucune allocation, aucune possibilité d’hébergement en centre d’accueil), le rejet du ministère de l’Intérieur n’est pas motivé, le recours contre ce refus n’est pas suspensif.

 

Le Conseil d’Etat a annulé 5 dispositions de la circulaire :

  1. Aucune disposition de la loi du 25/7/52 ne réserve l’octroi de l’asile territorial aux seuls "étrangers faisant état de menaces ou de risques émanant de personnes ou de groupes distincts des autorités publiques de leur pays " : ces mots sont annulés ;
  2. Diverses dispositions du décret notamment celle selon laquelle une convocation est remise au demandeur " afin qu’il soit procédé à son audition " ont pour but de lui permettre de disposer d’un délai suffisant pour préparer utilement cette audition ; les mots " cette disposition ne vous interdit pas [..] de l’auditionner immédiatement " sont annulés ;
  3. L’étranger dont la demande tendant à être assisté d’un interprète est justifiée et à qui cet interprète est fourni par l’administration n’a pas à supporter les frais de cette assistance : les mots " à ses frais " sont annulés ;
  4. La circulaire ajoute aux cas prévus par le décret pour la procédure d’urgence les demandes des étrangers ayant la nationalité d’un pays pour lequel ont été mises en œuvre les dispositions de l’article 1C5 de la Convention de Genève (2° du troisième alinéa de l’article 10 de la loi du 25/7/52) ; cet ajout est annulé ;
  5. Le ministre peut statuer en urgence notamment pour l’étranger qui demande l’asile alors qu’il se trouve en rétention ; l’étranger peut certes être " entendu sans délai " mais pas par " le fonctionnaire chargé de la surveillance du centre " : cette précision est annulée ;

 

Le Conseil d’Etat n’a pas suivi les associations sur deux points :

  1. Les situations dans lesquelles la demande peut être considérée comme dilatoire ne sont indiquées aux préfets qu’à titre d’exemples (l’étranger est interpellé en situation irrégulière, il vient de se voir notifier une invitation à quitter le territoire ou un arrêté de reconduite à la frontière), " ces dispositions ne sauraient exclure un examen individuel de chaque demande " ;
  2. L’étranger verra sa demande d’asile territorial instruite de façon prioritaire s’il a déposé une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié sur laquelle un autre Etat a donné un accord pour statuer en application de la Convention de Dublin ; " ces dispositions ne restreignent aucun des droits prévus par la loi et le décret ".