Arabie
saoudite : quelques données Introduction
1. L'arrestation et la
détention arbitraires
2. La persécution des opposants
politiques
et des membres des minorités
religieuses
3. La torture et les peines ou
traitements cruels,
inhumains ou
dégradants
4. La peine de
mort
Recommandations d'Amnesty
International
les
cas d'appels
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CAMPAGNE SUR L'ARABIE
SAOUDITE
Des souffrances tenues
secrètes
2. La persécution des opposants
politiques
et des membres des minorités
religieuses
Muhammad al Farraj, un Saoudien
chargé de cours à l'Université islamique de l'imam Muhammad bin Saoud, à
Riyadh, aurait été arrêté en août 1999 à son domicile de Riyadh par des
membres d'Al Mabahith al Amma et détenu dans la prison d'Al Hair à Riyadh.
Selon certaines sources, cet homme aurait été arrêté à cause d'un poème
qu'il avait écrit à propos des prisonniers politiques Sheikh Salman al Awda
et Sheikh Safr al Hawali (cf. ci-après) et publié environ une semaine
auparavant. Si ces informations étaient confirmées, l'Organisation le
considérerait comme un prisonnier d'opinion détenu pour avoir simplement
exercé son droit à la liberté d'expression sans user de violence et elle
réclamerait sa libération immédiate et sans condition. Amnesty International a écrit le 1er
novembre 1999 au gouvernement saoudien pour obtenir des éclaircissements au
sujet de l'arrestation et de l'emprisonnement de cet homme ; aucune réponse
ne lui est encore parvenue..
L'Arabie saoudite n'autorise aucune
critique de l'État, et les partis et mouvements politiques sont illégaux
dans le royaume. La moindre contestation de la politique officielle
déclenche le courroux du gouvernement et entraîne inévitablement des
représailles qui impliquent, dans presque tous les cas, des violations des
droits les plus fondamentaux.
Outre le danger que représentent la
formulation vague des lois et les pouvoirs illimités conférés aux autorités
responsables des arrestations, il convient de signaler la persécution
systématique des membres et sympathisants présumés des mouvements politiques
par les forces de sécurité. Pendant les années 80, les organisations chiites
étaient le plus souvent prises pour cibles. Les activités d'opposition ont
considérablement changé de nature dans les années 90 : les groupes chiites
ont entamé des négociations avec le gouvernement afin d'obtenir des
garanties visant à protéger les droits de leur communauté. Tous les
prisonniers d'opinion et prisonniers politiques chiites liés à des groupes
interdits ont été libérés dans le cadre d'un accord. Par ailleurs, de
nombreux opposants chiites vivant à l'étranger ont été autorisés à rentrer
en Arabie saoudite. Si l'accord a effectivement mis fin à l'opposition
chiite organisée, il n'a pas pour autant mis un terme à l'arrestation et à
la détention arbitraires de chiites ou d'opposants politiques en
général.
Les forces de sécurité ont ensuite
pris de plus en plus souvent pour cibles les personnes soupçonnées de liens
avec l'opposition islamiste sunnite. Parmi les victimes figuraient des
prédicateurs qui critiquaient la politique menée pendant la guerre du Golfe
en 1991, ainsi que des membres du Lajnat al Difaa an al Huquq al Shariyya
(Comité de défense des droits légitimes) fondé en 1993 et dont l'objectif
est " [...] la réduction des injustices [...] et la défense des
droits humains reconnus par la charia [droit musulman] ". Le Conseil
supérieur des oulema a immédiatement dénoncé le comité, dont beaucoup de
membres et de sympathisants ont été arrêtés peu après.
Au nombre des autres organisations
politiques visées figure le Hizb al Tahrir al islami (Parti de la libération islamique, PLI), parti panislamique qui prône
la restauration du califat. L'État politico-religieux comprenant la communauté musulmane ainsi que les
territoires et les populations que celle-ci contrôlait dans les siècles qui
ont suivi la mort du prophète Mahomet.. Une douzaine de membres du PLI ont été arrêtés en 1995 ; sept
d'entre eux ont été condamnés à l'issue de procès inéquitables à des peines
comprises entre huit et trente mois d'emprisonnement. Parmi eux figuraient
des médecins, des ingénieurs et des enseignants originaires de différents
pays arabes et qui ont été expulsés à l'expiration de leur peine. Les "
Afghans arabes " rentrés en Arabie saoudite après avoir pris part aux
conflits armés en Afghanistan ont également été pris pour cibles.
Les membres des minorités religieuses
continuent d'être arrêtés arbitrairement de manière très fréquente. Les
chiites ne peuvent pratiquer librement leur foi par crainte des poursuites.
Les ouvrages de jurisprudence chiite sont interdits et les processions
traditionnelles de deuil chiite de l'Achoura ne sont autorisées que dans
certains endroits et soumises à des contrôles très stricts. Les chrétiens et
les fidèles d'autres confessions qui ne sont pas autorisés à pratiquer leur
religion en public risquent d'être arrêtés même s'ils observent leur culte
en privé.
Les individus soupçonnés de
dissidence politique ou religieuse risquent tout particulièrement d'être
victimes d'arrestation arbitraire et de détention illimitée sans inculpation
ni jugement. Dans les rares cas où ils sont inculpés et jugés, la procédure
suivie ne respecte jamais les normes d'équité les plus élémentaires.
Ces personnes sont arrêtées sans
mandat, souvent sous le prétexte qu'elles représentent une menace pour la
sûreté de l'État ou pour l'islam tel qu'il est défini par l'État. Elles sont
généralement détenues au secret pendant de longues périodes sans avoir la
possibilité de contester le bien-fondé de leur incarcération. La procédure
ne prend fin qu'au moment où les autorités ont la conviction que le suspect
ne constitue plus une menace, sans se soucier le moins du monde du caractère
légal de l'emprisonnement.
Sheikh Salman bin Fahd al Awda et
Sheikh Safr Abd al Rahman al Hawali, arrêtés en septembre 1994 pour leurs
activités religieuses et politiques, ont été détenus dans la prison d'Al
Hair à Riyadh jusqu'en juin 1999. Le ministre de l'Intérieur a déclaré après
leur arrestation :
" Les forces de sécurité
[les] ont arrêtés
[...] après avoir tenté pendant un an environ de [les] convaincre de renoncer à leurs idées extrémistes
[...] qui mena-cent l'unité de la société islamique dans le royaume, ou de
cesser de prononcer des discours, d'organiser des conférences et de diffuser
des cassettes [...]. Cf. Al Hayat (La Vie), 28 septembre 1994. "
Les deux hommes auraient reçu en
détention la visite d'un représentant du Département chargé des enquêtes et
des poursuites. La première fois, celui-ci leur aurait demandé de consigner
par écrit leurs points de désaccord avec la politique gouvernementale en
échange de leur remise en liberté. Leurs critiques ayant été jugées trop
sévères, l'offre d'élargissement a été annulée. Lors de sa seconde visite,
il leur aurait demandé de modérer leurs critiques ; les deux hommes ayant,
semble-t-il, obtempéré, ils ont été remis en liberté, apparemment sans avoir
été inculpés ni jugés.
La pratique de la détention sans
inculpation ni jugement est tellement systématique que des milliers de
personnes en ont été victimes au fil des ans. Citons, parmi les rapports publiés par
Amnesty International sur cet aspect des violations des droits humains, le
document publié le 11 janvier 1990 et intitulé Arabie saoudite. Détention sans jugement
d'opposants politiques (index
AI : MDE 23/04/89).. Parmi les
personnes incarcérées dans ces conditions figurent non seulement des
détracteurs du gouvernement et des membres de mouvements religieux et
politiques interdits mais aussi leurs parents et amis.
Muhammad al Masaari, ancien
professeur d'université, a été arrêté en mai 1993 après la création du
Comité de défense des droits légitimes dont il était le porte-parole. Détenu
sans inculpation ni jugement jusqu'en novembre ou décembre 1993, il a
ensuite été libéré. Cet homme a quitté l'Arabie saoudite pour mener ses
activités politiques à l'étranger, mais les autorités continuent à décharger
leur colère sur sa famille. Son fils, Anmar al Masaari, a déclaré en 1999 à
l'Organisation qu'il avait été détenu à deux reprises à cause de son père
et du comité, à savoir pendant huit mois en 1994 et cinq mois en 1996.
Suha,
la sœur de Muhammad al Masaari, qui avait séjourné chez lui au Royaume-Uni,
a été arrêtée à son retour en Arabie saoudite, en novembre 1998, et détenue
pendant environ une semaine, apparemment en raison de son lien de parenté
avec lui.
Les personnes soupçonnées de liens
avec des organisations politiques ou religieuses peuvent s'attendre à être
surveillées de près par les autorités. Elles sont fréquemment emprisonnées
par les forces de sécurité, et plus particulièrement par les membres d'Al
Mabahith al Amma. C'est ainsi que Sheikh Jaafar Ali al Mubarak, militant
politique chiite d'une quarantaine d'années, a été victime à quatre reprises
au moins d'arrestation arbitraire et de détention prolongée sans jugement
depuis 1985. Cet homme, qui avait été emprisonné de 1985 à 1987, a de
nouveau été arrêté en 1988 à la suite d'attentats à l'explosif visant les
installations pétrolières d'Al Jubail et détenu jusqu'en 1993. Il a été
incarcéré pendant quelques mois en 1995, apparemment parce qu'il avait
refusé de s'engager à mettre un terme à ses activités politiques. Sheikh
Jaafar Ali al Mubarak a de nouveau été arrêté après l'attentat perpétré en
1996 contre la base militaire américaine d'Al Khubar et il a été emprisonné
jusqu'au début de 1999. A chaque fois, il aurait été maintenu au secret
pendant de longues périodes avant d'être remis en liberté sans avoir été
jugé.
Il est difficile d'établir le nombre
de prisonniers politiques détenus en Arabie saoudite en raison du secret et
de la pratique de la détention de courte durée sans jugement. Toutefois,
selon les informations parvenues à Amnesty International, il est
probablement compris entre 100 et 200. Dans une lettre adressée aux
autorités en septembre 1999, l'Organisation a fourni une liste de 89
personnes qui seraient apparemment détenues en Arabie saoudite, et elle a
demandé des éclaircissements sur les motifs de leur arrestation et sur leur
statut au regard de la loi. Selon les informations dont dispose Amnesty
International, certains prisonniers seraient soupçonnés de participation à
des actes de violence, et notamment à l'attentat à l'explosif perpétré en
1996 contre une base militaire américaine. D'autres prisonniers politiques
seraient incarcérés du seul fait de leurs opinions ou des critiques qu'ils
auraient émises contre l'État saoudien. C'est notamment le cas de Said bin
Zuair, responsable du Département de l'Information à l'Université de l'imam
Muhammad bin Saoud, arrêté au début de 1995 à son domicile de Riyadh par des
membres d'Al Mabahith al Amma. Il serait privé des visites de sa famille et
aurait fait l'objet de pressions visant à le contraindre à signer un
engagement par lequel il renoncerait à ses activités politiques en échange
de sa libération. Cet homme est toujours détenu dans la prison d'Al Hair.
À la connaissance de l'Organisation,
ni Said bin Zuair ni les autres prisonniers politiques n'ont été inculpés
d'une infraction prévue par la loi et ils ont été privés du droit de
contester le bien-fondé de leur détention. Les éléments recueillis au fil
des ans par Amnesty International laissent à penser qu'ils ne seront élargis
qu'après s'être repentis de leurs activités passées présumées et avoir pris
l'engagement d'y mettre un terme.
Dans les faits, les quelques
dissidents politiques qui ont fini par être jugés ont été condamnés à de
lourdes peines, parfois assorties de châtiments corporels. C'est ainsi
qu'Ibrahim Abd al Rahman al Hudhayf a été condamné en 1995 à dix-huit ans
d'emprisonnement et à 300 coups de verge. Il faisait partie d'un groupe de
prisonniers politiques condamnés, entre autres chefs d'accusation, pour
leurs liens avec le Comité de défense des droits légitimes. Son frère,
Abdullah Abd al Rahman al Hudhayf, condamné en outre pour avoir jeté de
l'acide sur un policier, a été exécuté. Les détails du procès de ce groupe
de prisonniers restent secrets à ce jour. Ibrahim Abd al Rahman al Hudhayf a
été libéré en 1998 avec d'autres détenus à la faveur d'une amnistie.
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