Arabie
saoudite : quelques données Introduction
1. L'arrestation et la
détention arbitraires
2. La persécution des opposants
politiques
et des membres des minorités
religieuses
3. La torture et les peines ou
traitements cruels,
inhumains ou
dégradants
4. La peine de
mort
Recommandations d'Amnesty
International
les
cas d'appels
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CAMPAGNE SUR L'ARABIE
SAOUDITE
Quelques données du pays
Lien
sur le site AI Belge avec les cas d'appel
Lien
sur le site du Groupe 123 pour des lettres types sur les cas d'appel
Un
système judiciaire profondément injuste (10 mai 2000)
Les
étrangers en situation irrégulière ne doivent pas être victimes de
violations de leurs droits fondamentaux (5 juillet 2000)
Des souffrances tenues
secrètes
Index AI : MDE 23/001/00
" Ces
[prisonniers] n'ont
nulle part où aller et personne vers qui se tourner.
Si seulement le monde
savait ce qui se passe dans ce pays. "
" Je suis perdu et
je ne sais comment trouver quelqu'un qui pourrait me rendre
justice et me libérer de ce passé douloureux [...]
ce cauchemar qui hante ma vie. "
Lettres adressées en 1998 et
en 1999 à Amnesty International
par d'anciens prisonniers détenus en Arabie saoudite
Abdul Karim al Naqshabandi, ressortissant syrien,
a été arrêté et contraint sous la torture de signer des aveux. Il a ensuite
été déclaré coupable de " sorcellerie " à l'issue d'un procès
sommaire qui s'est déroulé en secret. Abdul Karim al Naqshabandi a été
accusé de "
sorcellerie et détention d'un certain nombre d'ouvrages et de fables
hérétiques ". Ces faits sont punis de mort si les juges considèrent
qu'ils sont graves au point de constituer une négation de l'islam ou la " corruption sur terre "..
Cet homme n'a pas été autorisé à consulter un avocat ni à assurer lui-même
sa défense alors qu'il était passible de la peine capitale. Il a protesté de
son innocence dans une lettre adressée au tribunal :
" Ils ne m'ont pas donné la
possibilité de me défendre
[...] L'enquête a été
menée par un seul homme mais ils ont tous [...] ajouté foi à ce que ce dernier avait à déclarer alors qu'ils
n'avaient pas entendu ce que je lui avais dit [...] Il a menacé de me frapper. Ils m'ont ligoté comme un animal
[...] Je n'avais d'autre choix que d'avouer et de signer pour me
protéger. J'ai signé dans l'espoir de trouver quelqu'un dans la police qui
serait disposé à entendre la vérité mais, à ma grande surprise, c'est
un traitement encore plus dur qu'on me réservait [...] Le policier
a mis sa chaussure dans ma bouche et il m'a frappé. J'ai été enfermé
dans une cellule sans être autorisé à recevoir de visites. Il m'a menacé
d'un traitement encore pire si je revenais sur mes aveux devant le tribunal.
Dans ces conditions, j'ai confirmé mes aveux dans l'espoir que quelqu'un
m'écouterait au tribunal. "
Abdul Karim al Naqshabandi exposait
également les faits et fournissait des dates, des noms de témoins et des
documents qui mettaient sérieusement en doute les accusations portées
contre lui. Il affirmait que son employeur, un homme influent, l'avait
accusé à tort pour se venger de lui car il avait refusé de l'aider en
faisant un faux témoignage dans une transaction commerciale. On ignore
comment le tribunal a examiné les éléments écrits présentés par cet
homme pour sa défense et même s'il en a pris connaissance. Ce qui est
clair, c'est qu'Abdul Karim al Naqshabandi a été exécuté le 13 décembre
1996. Comme beaucoup d'autres avant et après lui, il a été contraint de
signer son arrêt de mort avec des aveux arrachés sous la torture.
" Je remercie Dieu et j'ai
simplement besoin d'être avec vous
[...] Ne vous faites
pas de souci pour mon problème, tout va s'arranger avec le temps et, si Dieu
le veut, je serai bientôt à vos côtés [...] J'ai demandé au messager auquel j'ai confié cette lettre de me
trouver une maison à Damas et de prendre une ligne télé-phonique et une
boite postale à mon nom. Faites-lui parvenir la somme dont il a besoin [...] J'aurai aussi besoin de beaucoup d'argent
pour meubler la maison et acheter une voiture [...] "
Peu après avoir écrit cette lettre, Abdul
Karim al Naqshabandi était décapité. Il ignorait totalement que son
exécution était imminente ; ni sa famille ni apparemment l'ambassade de
Syrie ne savaient qu'il avait été condamné à mort.
Les droits les plus fondamentaux des
personnes qui vivent en Arabie saoudite sont violés quotidiennement ;
pourtant, ces faits ne sont que rarement rendus publics. Le gouvernement
saoudien n'épargne aucun effort pour taire la vérité sur la situation
effrayante des droits humains dans le royaume et les gouvernements
étrangers sont tout à fait disposés à faire en sorte que ce secret soit
bien gardé.
La peur et le secret conditionnent tous les
aspects de la structure étatique de l'Arabie saoudite. Il n'existe pas de
partis politiques, d'élections, de Parlement indépendant, de syndicats, de
Barreau, de magistrature indépendante ni d'organisations indépendantes de
défense des droits humains. Le gouvernement n'autorise aucune organisation
internationale de défense des droits humains à effectuer des recherches
dans le pays et il ne tient aucun compte des demandes d'informations
adressées par ces organisations. Il contrôle l'information sous toutes ses
formes : les médias sont soumis à une censure stricte à l'intérieur du
royaume, de même que l'accès à Internet et aux chaînes de télévision
relayées par satellite et à main-tes autres formes de communication avec
le monde extérieur. Tout individu résidant en Arabie saoudite qui critique
le système est sévèrement sanctionné. Des opposants politiques et
religieux sont arrêtés et incarcérés sans jugement pour une durée
illimitée ou condamnés à des peines d'emprisonnement à l'issue de
procès iniques. Le recours à la torture est très répandu. Des
condamnations à mort ainsi que des peines de flagellation** En
Arabie saoudite, la flagellation est infligée à l'aide de verges,
notamment des baguettes en bambou et non pas à l'aide de fouet. et
d'amputation sont prononcées et exécutées au mépris des normes
d'équité les plus élémentaires adoptées par la communauté des nations.
Le climat de peur et de secret rend
difficile la surveillance de la situation des droits humains. Amnesty
International demande régulièrement au gouvernement saoudien des
informations et des explications sur les violations présumées des droits
humains, sur des cas individuels, tente d'obtenir des statistiques
officielles et de connaître le contenu des dispositions législatives. Elle
a invité à maintes reprises les autorités à ouvrir un dialogue
constructif et à réagir aux rapports de l'Organisation sur la situation
des droits humains dans le royaume. Aucune réponse satisfaisante n'est
parvenue à ce jour et, dans la plupart des cas, les autorités
s'abstiennent même de répondre. Les réponses du gouvernement citées dans
le présent document sont extraites de déclarations publiées par les
médias..
En dépit de ces difficultés, Amnesty
International recueille depuis vingt ans des informations sur les violations
systématiques des droits humains commises dans ce pays. Pour ce faire, elle
a interrogé de nombreuses victimes originaires du Moyen-Orient, d'Afrique,
d'Asie et d'Europe et qui ont été torturées et incarcérées en Arabie
saoudite. Le nom et les détails permettant l'identification des
intéressés ne figurent pas dans la plupart des témoignages cités, les
personnes interrogées ayant exprimé leur crainte de représailles si elles
étaient reconnues.. Les représentants de l'Organisation se sont entretenus
avec des Saoudiens à propos du système de justice pénale, mais ils n'ont
rencontré qu'un nombre relativement restreint de Saoudiens victimes de
violations des droits humains. En effet, une fois libérés, ceux qui
étaient emprisonnés en raison de leurs activités politiques ou
religieuses obtiennent rarement un passeport leur permettant de se rendre à
l'étranger. Amnesty International suit également de près les médias
saoudiens et elle étudie la législation dans la mesure du possible.
Certaines lois ne sont pas écrites ou ne sont pas accessibles au public..
Ce travail de recherche révèle clairement
que les personnes arrêtées en Arabie saoudite, pour quelque raison que ce
soit, sont prises au piège d'un système de justice pénale qui ne leur
fournit aucune explication sur ce qui les attend, ne leur permet pas de
rencontrer rapidement leur famille ou un médecin, et ne leur donne aucune
chance de consulter un avocat. Le système perpétue toute une série de
violations des droits humains – arrestation arbitraire et détention pour
une durée illimitée, incarcération de prisonniers d'opinion. Selon les
statuts d'Amnesty International, les prisonniers d'opinion sont des
personnes incarcérées " du fait de leurs convictions politiques ou
religieuses ou pour toute autre raison de conscience ou du fait de leur
origine ethnique, de leur sexe, de leur couleur, de leur langue, de leur
nationalité ou de leur origine sociale, de leur situation économique, de
leur naissance ou de toute autre situation, à condition qu'elles n'aient pas
usé de violence ni préconisé son usage "., recours à la torture,
procès sommaires et secrets, châtiments judiciaires cruels et exécutions
–, violations qui sont favorisées par la politique du secret menée par
l'État ainsi que par l'interdiction faite aux individus d'exprimer leurs
convictions. Les détenus sont à la merci d'un système qui ne se soucie
guère de la dignité de l'être humain et qui ne leur laisse pratiquement
aucun espoir de réparation.
Le respect de la dignité humaine et la
justice sont des valeurs qui font, en principe, partie intrinsèque des
traditions religieuses, sociales et culturelles de l'Arabie saoudite. Ces
valeurs sont également au nombre des droits fondamentaux garantis par les
traités internationaux relatifs aux droits humains. Toutefois, dans la
pratique, ces droits et valeurs sont régulièrement violés en toute
impunité en Arabie saoudite, afin de préserver le statu quo politique et
les intérêts du gouvernement. Le présent rapport expose la manière dont
ces violations des droits humains sont commises de manière systématique et
persistante et il indique les mesures qui devraient être prises par le
gouvernement saoudien et par la communauté internationale pour y mettre un
terme.
Le traitement
discriminatoire
Le traitement juste et équitable de tous les
individus – indépendamment, entre autres, de leur sexe, de leur langue,
de leur origine ethnique et de leurs convictions politiques ou religieuses
– est un principe consacré par les traités internationaux relatifs aux
droits humains. Pourtant, en Arabie saoudite, les pratiques discriminatoires
sont courantes et, dans certains cas, prévues par la loi. C'est ainsi que
les membres de la minorité chiite, qui représentent 7 à 10 p. cent des
quelque 19 millions de Saoudiens, subissent une discrimination systématique
dans les domaines politique, social, culturel et religieux. Les travailleurs
immigrés, qui constitueraient actuellement au moins 25 p. cent de la
population du royaume, bénéficient des avantages économiques substantiels
liés à leur emploi, mais sont bien souvent victimes de graves atteintes à
leurs droits en raison de l'absence de syndicats et du manque de protection
juridique. Lorsqu'ils sont arrêtés, ils sont parfois amenés par la ruse
à signer des aveux rédigés en arabe, langue que tous ne connaissent pas,
et peuvent être empêchés de prendre contact avec des personnes
susceptibles d'intervenir en leur faveur, notamment le personnel de leur
consulat. Cela est particulièrement vrai pour les ressortissants de pays en
voie de développement, dont les moyens financiers et les relations en
Arabie saoudite sont souvent limités.
Les femmes, saoudiennes ou étrangères,
sont régulièrement victimes de discrimination, inscrite dans la
législation ou liée aux mœurs et aux traditions. Si les femmes ont gagné
du terrain en termes de droits économiques et peuvent créer des
entreprises et des associations caritatives, en revanche, leurs droits
civils, politiques et sociaux sont systématiquement violés. C'est ainsi
qu'une femme ne peut se rendre à l'étranger sans l'autorisation écrite
d'un parent de sexe masculin, habituellement son père ou son mari, qui peut
même exiger qu'elle soit accompagnée. La liberté de mouvement des femmes
est également très restreinte à l'intérieur du pays. Celles qui
enfreignent le code vestimentaire très strict risquent l'emprisonnement et
les mauvais traitements. En outre, les femmes ne sont pas autorisées à
conduire ; cette interdiction a été rendue officielle en 1990 par une
fatwa. Une fatwa est un décret promulgué par le Conseil supérieur
des oulema (docteurs de la foi).. Une femme qui marche seule dans la
rue ou en compagnie d'un homme qui n'est ni son mari ni un parent proche
risque d'être soupçonnée de prostitution ou d'autres délits " immoraux
" et d'être arrêtée. La possibilité pour les femmes de jouir de
l'ensemble des droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels
est extrêmement limitée par ces restrictions à leur liberté de
mouvement.
Les chrétiens, les sikhs et les membres des
autres minorités religieuses sont également victimes de discrimination.
Ils sont fréquemment pris pour cibles par les forces de sécurité qui leur
reprochent le plus souvent d'avoir organisé des cérémonies informelles de
prière à leur domicile ou de détenir des écrits religieux, au mépris
des garanties relatives à la liberté de religion contenues dans les
traités internationaux relatifs aux droits humains.
L'exercice légitime des droits énoncés
dans les traités internationaux relatifs aux droits humains, comme le droit
à la liberté de religion et d'expression, ne doit pas tomber sous le coup
de la loi. En conséquence, Amnesty International s'oppose, par exemple, aux
poursuites engagées à l'encontre des personnes ayant renoncé à leur foi
(apostasie) ou ayant tenté de persuader autrui d'adhérer à leur religion
ou croyance (prosélytisme).
En outre, les États ne devraient exercer
aucune discrimination envers des individus du fait de leur identité. L'Organisation
s'oppose, entre autres, au fait que les femmes soient victimes de
discrimination dans l'application des règles d'administration de la preuve,
et elle dénonce le fait que les relations homo-sexuelles en privé entre
personnes consentantes. En Arabie saoudite, la loi punit également les
relations hétérosexuelles en privé entre adultes consentants en dehors du
mariage., ainsi que la conduite d'un véhicule automobile par les femmes
soient considérées comme des infractions pénales. Ces pratiques
constituent une violation du droit de ne pas subir de discrimination ainsi
que du droit à la vie privée et à la liberté d'expression et
d'association.
La responsabilité de
la communauté internationale
La responsabilité des violations
systématiques et persistantes des droits humains en Arabie saoudite incombe
non seulement au gouvernement saoudien mais aussi à la communauté
internationale. La position stratégique du pays et ses vastes réserves
pétrolières ont amené les gouvernements et les entreprises du monde
entier à subordonner les droits fondamentaux à leurs intérêts
économiques et stratégiques. La richesse de l'Arabie saoudite lui a permis
de devenir l'un des pays dépensant le plus pour sa défense ainsi qu'une
source d'aide économique pour les pays pauvres. Le désir de tirer parti
des ressources saoudiennes semble, pour les pays tiers, l'emporter sur la
protection et la promotion des droits humains dans le royaume.
La réaction de la communauté internationale
aux violations des droits humains commises en Arabie saoudite peut de
manière générale être résumée en un seul mot : le silence. Les
gouvernements étrangers dénoncent rarement, voire jamais, les violations
signalées et la communauté internationale s'abstient régulièrement
d'examiner de près la situation des droits fondamentaux dans le royaume.
C'est ainsi que la Commission des droits de
l'homme des Nations unies (ci-après désignée la Commission), qui, au fil
des années, a exprimé publiquement sa préoccupation à propos de la
situation des droits humains dans un grand nombre de pays de toutes les
régions du monde, n'a jamais évoqué publiquement la gravité de la
situation en Arabie saoudite.
La situation des droits fondamentaux en
Arabie saoudite a uniquement été examinée dans le cadre de la procédure
confidentielle 1503 prévoyant l'examen des communications révélant " un système cohérent de
violations flagrantes et dûment constatées des droits de
l'homme. La procédure 1503 a été instaurée par les résolutions 728F
(XXVIII) et 1503 (XLVIII) du Conseil économique et social (ECOSOC).
". Ces communications ne sont pas adressées par les gouvernements mais
par des individus et des organisations préoccupés par les droits humains.
Or, en 1998, la Commission a décidé que la situation en Arabie saoudite ne
serait plus examinée en vertu de cette procédure. Amnesty International,
qui avait transmis à la Commission des informations détaillées sur les
violations systématiques et persistantes des droits humains dans le
royaume, a exprimé sa profonde déception à la suite de cette décision.
Cf. le document publié par Amnesty International en janvier 1999 et
intitulé 1999 UN Commission on
Human Rights: Making human rights work - time to strengthen the special
procedures [Commission des droits de l'homme des Nations unies. Il est
temps de renforcer les procédures spéciales pour faire respecter les
droits humains], index AI : IOR 41/01/99..
La nature confidentielle de la procédure
signifie que la régulièrement Commis-sion ne rend pas compte publiquement
des motifs de ses décisions. Le gouverne-ment britannique a toutefois
affirmé dans son rapport annuel pour 1999 sur les droits humains :
" La Commission a conclu que
l'Arabie saoudite avait répondu de manière satisfaisante aux communications
précises qui lui avaient été adressées. Droits humains, Rapport
annuel pour 1999, Ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth,
et Département du développement international.. " Ces
communications précises, dont certaines avaient été soumises à la
Commission par Amnesty International en avril 1997, concernaient entre
autres les cas suivants : Maitham al Bahr, arrêté en 1996 et décédé à
l'hôpital central de Dammam en décembre 1996, apparemment des suites de
tortures (cf. chapitre 3) ; Sheikh Salman bin Fahd al Awda et Sheikh Safr
Abd al Rahman al Hawali (cf. chapitre 2) ; des prisonniers d'opinion
probables incarcérés sans inculpation de 1994 à juin 1999 et considérés
comme détenus arbitrairement par le Groupe de travail des Nations unies sur
la détention arbitraire. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire
avait conclu dès 1995 que Sheikh Salman bin Fahd al Awda et Sheikh Safr Abd
al Rahman al Hawali ainsi que d'autres prisonniers incarcérés pour des
motifs politiques étaient victimes de détention arbitraire. ; et, enfin,
Abdul Karim al Naqshabandi, exécuté en décembre 1996 (voir plus haut).
Aucune enquête satisfaisante n'a, à la
connaissance de l'Organisation, été effectuée sur les circonstances de la
mort de Maitham al Bahr. Sheikh Salman bin Fahd al Awda et Sheikh Safr Abd
al Rahman al Hawali ont été détenus pendant près de cinq ans malgré les
conclusions du groupe de travail sans qu'aucune explication n'ait été
fournie sur les motifs de leur incarcération. La fréquence des exécutions
signalées à l'issue de procès inéquitables est également alarmante. Au
vu de ces violations persistantes des droits fondamentaux, entre autres,
Amnesty International se demande comment l'Arabie saoudite a pu " répondre de manière satisfaisante "
à la Commission. L'importance stratégique et économique du royaume
semble lui avoir une fois de plus permis d'échapper à un examen sérieux
de sa situation des droits humains.
Le fait que la communauté internationale
dédaigne les droits humains pour servir d'autres intérêts peut avoir des
conséquences graves pour les personnes qui sollicitent l'asile politique à
l'étranger après avoir fui l'Arabie saoudite. Hani al Sayegh, un Saoudien
de trente ans demandeur d'asile aux États-Unis, a été renvoyé contre son
gré en Arabie saoudite le 10 octobre 1999. Il a été arrêté dès son
arrivée car on le soupçonnait de participation à un attentat à
l'explosif perpétré en 1996 contre une base militaire américaine à Al
Khubar, crime passible de la peine capitale. Cet homme, qui pourrait être
exécuté à l'issue d'un procès inéquitable, est détenu sans pouvoir
consulter un avocat ; il risque d'être torturé pendant sa détention. L'Organisation
ignore comment le gouvernement américain a acquis la conviction que le sort
réservé à Hani al Sayegh dans son pays ne constituerait pas une violation
des obligations internationales des États-Unis découlant de l'article 3 de
la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, qui dispose :
" Aucun État partie n'expulsera, ne
refoulera ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des
motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.
"
Les obligations
internationales de l'Arabie saoudite
dans le domaine des droits
humains
L'Arabie saoudite est l'un des membres
fondateurs des Nations unies auxquelles elle appartient depuis 1945. Elle a
décidé ces dernières années d'adhérer à la Convention relative aux
droits de l'enfant et à la Convention internationale sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination raciale – en émettant toutefois une
réserve de taille aux deux traités, à savoir que leurs dispositions ne
doivent pas être en contradiction avec le droit musulman. Dans
l'Observation générale 24 adoptée par le Comité des droits de l'homme
lors de sa 52e session, le 2 novembre 1994, le Comité a fait observer à
propos des réserves formulées au moment de l'adhésion au PIDCP ou de la
ratification de ce pacte que " les réserves
doivent être spécifiques et transparentes, de façon que le Comité, les
personnes qui vivent sur le territoire de l'État auteur de la réserve et les
autres États parties sachent bien quelles sont les obligations en matière de
droits de l'homme que l'État intéressé s'est ou non engagé à remplir. Les
réserves ne sauraient donc être de caractère général, mais doivent viser une
disposition particulière du Pacte et indiquer précisément son champ
d'application. " Amnesty International estime que les réserves émises
par l'Arabie saoudite ne satisfont pas à l'exigence selon laquelle " les réserves doivent être spécifiques et
transparentes ".. L'Arabie saoudite a également adhéré à la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants. En prenant ces initiatives, le royaume a accepté
de garantir les droits énoncés dans ces traités et de permettre à la
communauté internationale d'examiner la mise en application de ces textes
dans la législation et dans la pratique. Il semble par ailleurs que
l'Arabie saoudite envisage de ratifier d'autres traités, notamment le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Convention
sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des
femmes et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels (PIDESC). Cette information est contenue dans un document
intitulé " La
position de l'Arabie saoudite sur les droits humains " adressé le 17
septembre 1999 à Amnesty International par le conseiller de l'ambassadeur
d'Arabie saoudite à Londres, Ghazi A. Algosaibi..
L'Organisation accueille favorablement ces
initiatives. Le gouvernement saoudien doit maintenant introduire, dans la
législation et dans la pratique, les changements de grande ampleur qui
feront de ces droits une réalité. Il doit en outre veiller à ce que
toutes les autorités du pays connaissent ces lois et les appliquent, et que
toutes les personnes vivant dans le royaume soient informées de leurs
droits et soient en mesure de solliciter une réparation en cas de violation
de ceux-ci. Ces changements, lorsqu'ils entreront en vigueur, doivent
prévoir des garanties concrètes qui permettront de remplacer le climat de
peur et de secret par un système transparent et équitable.
Amnesty International prie depuis des années
le gouvernement saoudien de se pencher sur la situation effroyable des
droits fondamentaux dans le pays ; elle n'a reçu aucune réponse positive.
L'Organisation publie le présent rapport pour exhorter la communauté
internationale et l'opinion publique à agir afin de mettre un terme aux
violations des droits humains perpétrées en Arabie saoudite.
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